Chaque année en Amérique du Nord paraît le Yearbook of American and Canadian Churches, un ouvrage dirigé par le pasteur Eileen W. Linder qui offre des statistiques sur toutes les communautés chrétiennes. Ce qui a fait la notoriété de l'édition 2010, c'est son constat de la progression de l'Église catholique aux États-Unis, première dénomination chrétienne avec 68,1 millions de membres. Enregistrant une progression de 1,49 % entre 2008 et 2009, elle dépasse largement les deux premières Églises protestantes, la Southern Baptist Convention (16 millions de membres) et la United Methodist Church (7,6 millions). Les Églises luthérienne (Evangelical Lutheran Church - 4,6 millions) et presbytérienne (Presbyterian Church - 2,8 millions) enregistrent une forte baisse respectivement de 2 % et 3,3 %. En revanche, les mormons, connu pour leur prosélytisme agressif, voient grossir leurs effectifs: l'Église des Saints des Derniers Jours, qui compte 5,9 millions de membres, a progressé de près de 2 %. A noter que le rapport ne tient pas compte des anglicans (2 millions) ni des évangéliques, dont le nombre est estimé à 80 millions aux États-Unis. Ces derniers, divisés en une multitude de communautés de taille variable éparpillées dans tout le pays, n'offrent pas d'Églises établies suffisamment grandes pour être répertoriés, à l'exception de la congrégation pentecôtiste des Assemblies of God (3 millions), qui a progressé de 1,27 %. Les États-Unis demeurent une nation majoritairement protestante (53 %) ; solidement implantés dans la Bible Belt, la ceinture biblique qui court du Texas au Middle-West, les baptistes américains sont à la pointe de la montée du religieux démonstratif. Dans l'Ouest, des régions entières sont exclusivement protestantes. Mais la progression de l'Église catholique est une belle revanche sur l'histoire. Présents dès l'Indépendance, les catholiques ne représentaient au début du XIXe siècle qu'une communauté minuscule noyée dans un océan d'Églises et de sectes protestantes. Encadrée par un clergé français (le futur archevêque de Bordeaux, Mgr de Cheverus, chassé par la Révolution, fonda le diocèse de Boston en 1803), elle manifestait déjà beaucoup de vigueur, comme Tocqueville le constate lors de son célèbre voyage aux États-Unis. Mais ce fut par les vagues successives d'immigrations irlandaise, bavaroise, polonaise et italienne que le catholicisme s'implanta durablement, suscitant un terrible sentiment anticatholique parmi les populations de la Nouvelle-Angleterre. Il s'agissait de combattre l'invasion des "romains" sur le sol protestant. Des émeutes, comme la mise à sac de couvents à Boston, mais surtout des générations de préjugés s'ensuivirent. Jusqu'à l'élection de John F. Kennedy, la religion catholique était perçue comme une menace étrangère, téléguidée par le pape, pour nuire à la République. Les fondamentalistes de 2010 et de nombreux Bible christians sont les héritiers de cette tradition antipapiste, qui remonte à la création d'une vaste littérature, véritable "pornographie anticatholique", rédigée par les pasteurs méthodistes canadiens contre l'ennemi québécois catholique dans les années 1830, accusant les moines de Québec des pires sévices sexuels.
Le Canada, justement, offre aujourd'hui un paysage plus contrasté. Les Canadiens sont moins religieux et moins pratiquants que les Américains, mais font plus mention de la foi chrétienne que les Européens. Depuis le milieu du XXe siècle, la majorité des habitants du pays de l'érable sont catholiques (44 %), contre 30 % de protestants. Entre 1991 et 2001, l'Église catholique a progressé d'environ 5 % tandis que les protestants ont baissé de 8 %. A noter que le Canada compte une proportion d'athées supérieure aux États-Unis: 16 % contre 10 %. Ici aussi, revanche historique de la religion catholique, installée à Québec par les Français et discriminée pendant des siècles par la Couronne anglaise et la population réformée. Il ne faisait alors pas bon pour un papiste (français québécois, de surcroît) de se rendre à Toronto au XIXe siècle, la "Rome protestante" de l'époque. De nos jours, des fondamentalistes presbytériens de l'État de l'Ontario ont recrée au Canada l'Ordre d'Orange, franc-maçonnerie protestante d'Irlande du Nord qui combat les catholiques, et multiplient les sarcasmes et les provocations. Mais si les Québécois, à la suite des bouleversements des années 1960-1970, ont massivement abandonné la religion catholique, les autres Canadiens l'adoptent !
L'Église unie du Canada, principale dénomination protestante du pays, a accepté très tôt les femmes pasteurs et les mariages homosexuels. L'Église anglicane canadienne s'est engagée dans cette même voie libérale en ordonnant des prêtres ouvertement homosexuels. De l'autre côté de la frontière, les anglicans américains sont allé plus loin: l'évêque du New Hampshire Gene Robinson, élu en 2003, est devenu le symbole dans le monde protestant du libéralisme exacerbé choisi par certaines Églises occidentales. Mgr Robinson vit en effet avec un homme et affirme à ses paroissiens bien avant Elton John que Jésus "aurait pu être homosexuel". Déclaré hérétique par la majorité des chrétiens américains, l'évêque-militant gay a provoqué un schisme dans la Communion anglicane, les Églises africaines se désolidarisant de ces dérives. L'archevêque anglican du Nigeria, Mgr Peter Anikola a même envoyé des missionnaires aux États-Unis pour encadrer les brebis égarées ! Sociologiquement perçue comme l'Église des snobs et de la bonne société, ouverte au relativisme et aux nouvelles normes sociétales, l'Église anglicane "épiscopalienne" américaine se dirige vers la porte de sortie, sur fond de conversions de nombreux prêtres et évêques au catholicisme, tel Mgr Jeffrey Steenson, ex-évêque du Rio Grande devenu catholique en 2007 après une nouvelle décision libérale du synode anglican: "c'était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase" (the straw that broke the camel's back)...
C'est une des leçons de ce rapport: acculés à la diminution dangereuse de leurs fidèles, les Églises protestantes nord-américaines historiques (mainlines) croient pouvoir échapper au déclin en se modernisant et en se libéralisant. C'est le choix des anglicans, mais aussi des luthériens, qui se sont prononcés en août 2009 pour le mariage gay, provoquant également un schisme au sein de leur Église. Mais cette issue ne fait qu'encourager la désaffection de leurs membres au profit de l'Église catholique et des évangéliques, qui restent fidèles aux valeurs traditionnelles. Le président de la Catholic league, Bill Donohue, observe: « Plus une religion cherche à être “adaptée” au monde, plus elle devient inadaptée. Il semble que tout le monde le sache, sauf les libéraux. C’est (...) une sale nouvelle pour les adeptes de la religion version allégée. Ce n’est pas dont réchauffement climatique dont ils devraient avoir la trouille, mais de leur propre décès. »
Le Canada, justement, offre aujourd'hui un paysage plus contrasté. Les Canadiens sont moins religieux et moins pratiquants que les Américains, mais font plus mention de la foi chrétienne que les Européens. Depuis le milieu du XXe siècle, la majorité des habitants du pays de l'érable sont catholiques (44 %), contre 30 % de protestants. Entre 1991 et 2001, l'Église catholique a progressé d'environ 5 % tandis que les protestants ont baissé de 8 %. A noter que le Canada compte une proportion d'athées supérieure aux États-Unis: 16 % contre 10 %. Ici aussi, revanche historique de la religion catholique, installée à Québec par les Français et discriminée pendant des siècles par la Couronne anglaise et la population réformée. Il ne faisait alors pas bon pour un papiste (français québécois, de surcroît) de se rendre à Toronto au XIXe siècle, la "Rome protestante" de l'époque. De nos jours, des fondamentalistes presbytériens de l'État de l'Ontario ont recrée au Canada l'Ordre d'Orange, franc-maçonnerie protestante d'Irlande du Nord qui combat les catholiques, et multiplient les sarcasmes et les provocations. Mais si les Québécois, à la suite des bouleversements des années 1960-1970, ont massivement abandonné la religion catholique, les autres Canadiens l'adoptent !
L'Église unie du Canada, principale dénomination protestante du pays, a accepté très tôt les femmes pasteurs et les mariages homosexuels. L'Église anglicane canadienne s'est engagée dans cette même voie libérale en ordonnant des prêtres ouvertement homosexuels. De l'autre côté de la frontière, les anglicans américains sont allé plus loin: l'évêque du New Hampshire Gene Robinson, élu en 2003, est devenu le symbole dans le monde protestant du libéralisme exacerbé choisi par certaines Églises occidentales. Mgr Robinson vit en effet avec un homme et affirme à ses paroissiens bien avant Elton John que Jésus "aurait pu être homosexuel". Déclaré hérétique par la majorité des chrétiens américains, l'évêque-militant gay a provoqué un schisme dans la Communion anglicane, les Églises africaines se désolidarisant de ces dérives. L'archevêque anglican du Nigeria, Mgr Peter Anikola a même envoyé des missionnaires aux États-Unis pour encadrer les brebis égarées ! Sociologiquement perçue comme l'Église des snobs et de la bonne société, ouverte au relativisme et aux nouvelles normes sociétales, l'Église anglicane "épiscopalienne" américaine se dirige vers la porte de sortie, sur fond de conversions de nombreux prêtres et évêques au catholicisme, tel Mgr Jeffrey Steenson, ex-évêque du Rio Grande devenu catholique en 2007 après une nouvelle décision libérale du synode anglican: "c'était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase" (the straw that broke the camel's back)...
C'est une des leçons de ce rapport: acculés à la diminution dangereuse de leurs fidèles, les Églises protestantes nord-américaines historiques (mainlines) croient pouvoir échapper au déclin en se modernisant et en se libéralisant. C'est le choix des anglicans, mais aussi des luthériens, qui se sont prononcés en août 2009 pour le mariage gay, provoquant également un schisme au sein de leur Église. Mais cette issue ne fait qu'encourager la désaffection de leurs membres au profit de l'Église catholique et des évangéliques, qui restent fidèles aux valeurs traditionnelles. Le président de la Catholic league, Bill Donohue, observe: « Plus une religion cherche à être “adaptée” au monde, plus elle devient inadaptée. Il semble que tout le monde le sache, sauf les libéraux. C’est (...) une sale nouvelle pour les adeptes de la religion version allégée. Ce n’est pas dont réchauffement climatique dont ils devraient avoir la trouille, mais de leur propre décès. »
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