Pourtant, l'Église catholique et le monde anglo-saxon n'étaient-ils pas les meilleurs alliés objectifs au temps de la Guerre froide, Jean-Paul II d'un côté et Ronald Reagan de l'autre, contre l'Union soviétique ? Force est de constater que les temps ont changé. L'institution catholique est perçue aujourd'hui comme un vestige du passé, une survivance dans notre monde moderne, libéral et ultrarapide, dominé par l'hégémonie anglo-saxonne d'inspiration protestante. Cette hostilité larvée s'est accentuée avec la montée du catholicisme aux États-Unis, centre mondial de l'univers protestant, qui pose problème. Première dénomination religieuse aux États-Unis avec environ 70 millions de membres, l'Église catholique reste minoritaire au sein d'une nation protestante mais dépasse toutes les autres Églises baptistes, méthodistes, luthériennes, pentecôtistes et presbytériennes, aidée par l'immigration mexicaine et la démographie galopante des Hispaniques, qui représentent 14 % de la population américaine. Or, la redéfinition des équilibres ethniques dans les années à venir indique que le poids du catholicisme ira croissant: dans 30 ans, les Hispaniques seront 100 millions, alors que la sécularisation et la baisse démographique chez les Blancs protestants ira en s'aggravant. Non seulement les WASP (White Anglo-Saxon Protestants) ne seront plus qu'une minorité, mais le protestantisme américain lui-même sera dans une situation minoritaire, pour la première fois depuis l'arrivée des Pères pèlerins ! Le très officiel rapport de 2004 du National Opinion Research Center de l'Université de Chicago indique que le pourcentage de protestants aux États-Unis est tombé de 64 % en 1993 à 52 % en 2002, tandis que le nombre de sans-religion a augmenté de 9 % à 14 %. Or, les athées et agnostiques sont très largement issus du protestantisme: les familles se définissent volontiers comme méthodistes et baptisent leurs enfants mais délaissent le culte, et la génération suivante est indifférente en matière de religion. La montée en puissance médiatisée des évangéliques est certes impressionnante, mais elle cache la sécularisation rapide de la société américaine. La perspective de voir les Blancs protestants, qui ont façonné et incarné les États-Unis, réduits à l'état de minorité est pour les élites WASP un cauchemar. Dans sa vieillesse, Huntington avait même prédit un futur clash des civilisations sur le sol américain, entre Hispaniques catholiques et Anglo-saxons protestants.
Pour contrebalancer l’influence catholique aux États-Unis, certains dirigeants américains réfléchissent alors à l’opportunité de favoriser « l’islamisation » de l’Europe, mère-patrie de l’Eglise romaine. La création par Washington de deux États musulmans au cœur du continent, la Bosnie et le Kosovo, le soutien appuyé de Barack Obama aux communautés islamiques européennes et la diffusion du modèle multiculturaliste anglo-saxon, qui permet voile, minarets et prêches radicales, vont dans ce sens et contribuent à affaiblir la cohérence du projet politique européen, ce qui joint l’utile à l’agréable.
La campagne anti-pape actuelle se déroule alors en terrain conquis, car la culture anglo-saxonne a longtemps traité le prêtre romain comme un bigot ou un pervers. Dans Sin City, la BD ultraviolente adaptée au cinéma, c'est un prélat catholique irlandais, le Cardinal Patrick Roark, qui tient le rôle du méchant absolu: pédophile, corrompu, proxénète, en cheville avec la mafia de Boston, il est même cannibale ! Ce dernier vice fait écho à une opinion répandue chez les protestants américains, pour qui l'Eucharistie des catholiques, censée être le corps du Christ, est un rituel d'anthropophages. L'auteur de Sin City, Frank Miller, est par ailleurs un néoconservateur décomplexé, adepte du choc des civilisations d'Huntington, qui compare l'islam à un "fascisme" en puissance. Contre le catholicisme, se recoupent deux tendances : le fondamentalisme protestant, qui perçoit traditionnellement l’Eglise romaine comme un agent étranger (un tract significatif : « nous sommes citoyens américains, et nous ne voulons pas obéir à un prince italien déchu ») et qui a engendré des générations de réflexes et de préjugés, et le libéralisme postmoderne, dont la vision de l’homme heurte radicalement la morale de l’Eglise. Les médias qui ont mené la charge contre l’Eglise catholique, le New York Times, Time et The Economist en Grande-Bretagne ont un certain nombre de points communs : très libéraux, ayant un fond de culture protestante et favorables au mariage gay. A ce courant anticatholique, il faut ajouter l’influence non négligeable des lobbies israélites ; malgré des interventions remarquées de la part de figures du monde juif, comme le rabbin américain David Dalin, grand défenseur du pape Pie XII, le rabbin Alon Goshen-Gottsein ou l’ex-maire de New York Ed Koch, qui a écrit dans le Jerusalem Post une tribune de soutien à Benoît XVI, la majorité des Juifs d’Israël et des États-Unis, vers qui sont tournées les communautés d’Europe, reste très hostile à l’Eglise catholique.
Autre pôle du monde anglo-saxon, le Royaume-Uni n'a pas été en reste. Dès les premières vagues du scandale, l'archevêque de Canterbury, chef de l'Église d'Angleterre (Church of England) a aussitôt déclaré dans les médias britanniques que "l'Église catholique a perdu toute crédibilité" ; sans dou

Cette hostilité s’expliquerait donc par le rapprochement opéré par Benoît XVI entre Rome et la chrétienté orthodoxe. Depuis le début de son pontificat, le pape n’a pas ménagé ses efforts en direction des Églises d’Orient, notamment de l’Eglise russe. En effet, le patriarcat de Moscou rassemble le plus de fidèles du monde orthodoxe (environ 100 millions) et s’est imposé avec l’effondrement du communisme et le renouveau spirituel à l’Est comme le premier interlocuteur orthodoxe, aux dépends du patriarcat historique de Constantinople, isolé en Turquie. Le patriarche de Russie Alexis II avait noué des relations courtoises avec Benoît XVI, par cardinaux interposés, et son successeur Cyrille, qui a rencontré le pape alors qu'il était encore métropolite de St pétersbourg, s’inscrit dans la même démarche. En fait, l’orthodoxie slave est confrontée aux mêmes défis que le catholicisme occidental : les Églises soumises ou persécutés par les régimes marxistes ont retrouvé la liberté et leur place ; les monastères fleurissent en Russie, en Roumanie et en Serbie, tandis que les popes se montrent et s’imposent dans la société, mais si l’Eglise est à nouveau visible, elle demeure fragile. La pratique religieuse dans les pays redevenus orthodoxes est beaucoup plus faible que dans les États catholiques (moins de 4 % en Russie), les structures ecclésiales sont saignées et les fidèles sont récupérés par des dirigeants, souvent ex-communistes, qui jouent sur un registre identitaire et nationaliste, saupoudré de christianisme culturel. Par ailleurs, les anciens théâtres de la dictature du prolétariat sont devenus des paradis du libéralisme économique sauvage, avec la destruction du lien social et des valeurs qu’il entraîne. Enfin, les Églises orthodoxes partagent la même vision de l’homme et de la bioéthique que l’Eglise catholique (refus de l’avortement, du mariage homosexuel, etc). Pour l’instant, un acte décisif comme la visite du pape en Russie ou la proclamation de la fin du schisme de 1054, ce qui est théologiquement possible, n’est pas pour demain. Les orthodoxes cultivent le souvenir historique jusqu’à l’extrême et remâchent encore le sac de Constantinople par les

Bref, la crise de l'Eglise catholique, qui semble être d'abord une crise des vocations, pourrait être le déclencheur d'une unité des traditions religieuses. Il se pourrait de même dans un avenir proche que le Vatican réfléchisse sérieusement aux pratiques orthodoxes, comme l'ordination des hommes mariés, la permission d'un remariage religieux pour les divorcés, la fluidité entre le monde régulier et le monde séculier, l'implication des institutions religieuses dans le politique. Une des réponses de la crise papale se trouve sans doute à l'Est.
"Manqué le rapprochement avec les Églises protestantes"
FAUX, Benoît XVI est allemand, il connaît la Réforme mieux que quiconque dans l'Église et est parfaitement au fait des limites du protestantisme. En pleine crise pédophile, il s'est rendu à l'église luthérienne de Rome pour y prêcher: si ce n'est pas un rapprochement, le Marquis veux bien se faire baptiste. En vérité, ce n'est pas le pape qui s'éloigne des protestants, c'est le protestantisme évangélique propre sur lui des Scandinaves, politiquement correct, pro-mariage gay et tuti quanti qui s'éloigne de la foi chrétienne. C'est d'ailleurs pour cela que 500 000 anglicans ont rejoint le catholicisme après les dérives de leur Église: comme rapprochement, comme œcuménisme (dans le sens "unité des Églises"), on a rarement vu mieux.
"Manqué le dialogue ouvert avec les musulmans : symptomatique a été le discours de Ratisbonne, dans lequel, mal conseillé, le pape a caricaturé l'islam en religion violente et inhumaine"
FAUX, le pape a délivré à Ratisbonne une profonde réflexion sur le rapport de la raison avec la foi: cela valait aussi bien pour l'islam que pour le christianisme. Hélas ses propos ont été tronqué... Mais au fait, que s'est-il passé par la suite ? Des milliers de musulmans du monde entier n'ont-ils pas riposté par la raison et la didactique en brûlant des églises et en égorgeant des chrétiens et des religieuses ? Heureusement, plusieurs autorités musulmanes ont perçu la justesse du propos du pape, qui les amenait à s'interroger sur leur propre religion. En témoigne la lettre de soutien à Benoît XVI signée par 138 sages islamiques.
"il a réintégré dans l'Église des prélats schismatiques notoirement antisémites"
FAUX, Mgr Richard Williamson (puisque c'est lui) n'a pas été réintégré. Il ne peut pas enseigner dans l'Église, il ne peut pas ordonner des prêtres, il ne peut pas donner les sacrements. Le mélange politico-religieux sectaire qui le caractérise, lui et sa Fraternité, n'ont rien à voir avec le Magistère. Il est toujours suspens a divinis: c'est son excommunication qui a été levé, ce qui est très différent.
Hans K. se trompe de combat. Lui qui se bat pour l'éthique, la tolérance et la justice dans l'Église devrait être reconnaissant des formidables efforts menés par Benoît XVI en ces domaines. Le pape est une voix forte contre les inégalités, la pauvreté,les violations des droits de l'homme, le capitalisme débridé, les haines ethniques, culturelles et religieuses... Notre monde, au lieu de lui en savoir gré, le vomit en ne retenant qu'une partie de son discours (la morale sexuelle) ou en suivant bêtement des médias affamés de scandales. Il s'agit d'un malentendu qui dure depuis trop longtemps. Or, Hans K. est un récidiviste. Dès le début de la vague de scandales sur les abus sexuels dans l'Église, il a doctement proposé (toujours dans Le Monde) de rétablir le mariage des prêtres pour combattre la pédophilie. Un fourvoiement grossier ! Pour lui, le prêtre est donc une bête à sperme qu'il faut traire? Sait-il que la majorité des pédophiles sont des hommes mariés et parfois des pères de famille ?
Ce que Hans K. propose n'est rien de moins que l'adaptation de l'Église à l'ère du temps, devenir socialement conforme et au point sur toutes les normes proposées (ou imposées) par le monde. Comme nous l'avons vu plus haut, cela a déjà été essayé par des clercs et des laïcs zélés qui n'avaient rien compris, mais cela ne leur a pas vraiment réussi, car une Église aseptisée n'intéresse personne. Le Marquis se souvient de villages perdus au milieu de la campagne française, où la messe du dimanche n'est plus fréquentée que par quelques dames âgées ou des scouts en vadrouille, tandis que les hommes sont au PMU en face, dégoûtés de leur curé vieillissant, qui vit avec une femme et fait monter des enfants sur l'autel: "c'est pas la vraie religion" disent-ils. C'est le syndrome anglican: plus l'Église se fait moderne, plus elle perd des fidèles. En face, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X du respecté mais orgueilleux Mgr Marcel Lefebvre, en puisant dans les vieux tiroirs franco-français de l'Action du même nom, avait le beau rôle en criant à la décadence engendrée par le Concile Vatican II et en montant les fils de bonne famille et les jeunes filles en jupes écossaises et serre-tête contre "l'hérétique" Jean-Paul II (ils ont depuis mis un peu d'eau dans leur vin, le pape leur pardonnera leurs erreurs, mais il faudra qu'ils jettent aux orties leur amalgame idéologique, qui est aussi infâme que la soupe marxiste des prêtres des sixties). Pourtant, rappelle Patrice de Plunkett:
Hans K. est obsolète. Quant à convoquer un nouveau Concile, notre homme devrait savoir qu'on ne réunit pas les évêques de l'Église Universelle comme on réunit les actionnaires majoritaires de Microsoft ou les enseignants d'un Kindergarten. Quand on est Küng, on est Küng.