La tulipe qui pousse à l'ombre des moulins verra-t-elle l'explosion des Pays-Bas ? Depuis six ans, les évènements se précipitent, brisant une à une les représentations qui faisaient la fortune du petit royaume nordique. Le 2 novembre 2004, le cinéaste Theo Van Gogh est égorgé en pleine rue par un jeune islamiste d'origine marocaine pour avoir tourné un film sur la condition des femmes selon le Coran: des imams approuvent le meurtre, des émeutes éclatent, des écoles sont brûlées... C'est la fin de la tranquillité dans les rues d'Amsterdam. Le 27 mars 2008, le médiocre brûlot Fitna est mis en ligne sur Internet par le jeune député Geert Wilders, président du Parti pour la liberté ( Partij voor de Vrijheid - PVV), qui compare le Coran à Mein Kampf et décrit l'islam comme une religion "fasciste". C'est la fin de la très large tolérance hollandaise à l'égard des musulmans. Le 20 janvier 2010, s'ouvre à Amsterdam le procès de ce même Geert Wilders, accusé "d’avoir insulté les musulmans dans leur ensemble" et "d’avoir incité à la discrimination et à la haine contre des personnes en raison de leur race ou de leur religion". Depuis 2004, date de sa démission du parti de droite libérale de Frtitz Bolkenstein, le VDD, cet ancien conseiller municipal d'Utrecht a bâti seul un combat politique avec pour objectif l'arrêt de ce qu'il appelle "l'auto-islamisation" de la Hollande. "L'islam est une religion fasciste, autoritaire et arbitraire. Quant à Mahomet, c'était un fou, un meurtrier, un pédophile, un idiot…" déclare-t-il en mai 2009 à l'envoyé du journal français Le Journal du Dimanche, qui n'en revient pas. Il n'empêche, assigner devant les juges un individu pour ses opinions, c'est la fin de la liberté d'expression chère à Spinoza. Enfin, le 20 février dernier, la coalition au pouvoir vole en éclats, et les premiers sondages donnent le PVV vainqueur des prochaines élections de juin devant le parti chrétien-démocrate (CDA) et le parti travailliste (PvdA)... C'est la fin de l'univers fantasmé des bobos.
Revenons sur cette dernière péripétie. Depuis 2006, les Pays-Bas étaient gouvernés par une coalition rassemblant les travaillistes, les chrétiens-démocrates et un petit parti protestant, l'Union chrétienne (CU), le tout chapeauté par le candide Premier ministre Jan Peter Balkende, chef du CDA, et par son ministre des Finances, Wouter Bos, leader du PvdA. En septembre 2009, ce dernier s'oppose à la poursuite de l'engagement de 2000 soldats néerlandais aux côtés des Américains en Afghanistan. La Hollande, petit État historiquement et culturellement pro-anglo-saxon, est un pays entièrement soumis à l'OTAN depuis la Seconde guerre mondiale et M. Balkende ne peut rien refuser à l'ambassadeur des États-Unis. En réalité, la question de l'Afghanistan était un prétexte. L’économie néerlandaise, qui s’appuyait sur le commerce international, s’est effondrée avec la crise. Les chrétiens-démocrates voulaient lancer une politique de rigueur assez floue, ce que refusaient les travaillistes. Résultat, l'impuissant Balkende a piteusement frappé à la porte de la reine Béatrix pour présenter sa démission et annoncer des élections anticipées pour juin prochain. Du pain béni pour Geert Wilders: depuis son succès aux européennes (17 % des voix) le président du PVV mène un patient et actif travail de sape. Déjà en mai 2009, l’hebdomadaire français Valeurs actuelles prévenait : "Si des élections avaient lieu aujourd’hui et non en mai 2011, le populiste de droite (…) aurait de sérieuses chances d’occuper le poste de Premier ministre des Pays-Bas. (…) Malgré ses déclarations à l’emporte-pièce, Geert Wilders séduit de plus en plus. Selon une étude publiée dans le magazine Vrij Nederland, 35% des personnes interrogées estiment qu’il ne va pas trop loin dans ses commentaires sur l’islam. Plus de 60% sont d’accord avec sa proposition consistant à retirer aux délinquants d’origine étrangère la nationalité néerlandaise."
Revenons sur cette dernière péripétie. Depuis 2006, les Pays-Bas étaient gouvernés par une coalition rassemblant les travaillistes, les chrétiens-démocrates et un petit parti protestant, l'Union chrétienne (CU), le tout chapeauté par le candide Premier ministre Jan Peter Balkende, chef du CDA, et par son ministre des Finances, Wouter Bos, leader du PvdA. En septembre 2009, ce dernier s'oppose à la poursuite de l'engagement de 2000 soldats néerlandais aux côtés des Américains en Afghanistan. La Hollande, petit État historiquement et culturellement pro-anglo-saxon, est un pays entièrement soumis à l'OTAN depuis la Seconde guerre mondiale et M. Balkende ne peut rien refuser à l'ambassadeur des États-Unis. En réalité, la question de l'Afghanistan était un prétexte. L’économie néerlandaise, qui s’appuyait sur le commerce international, s’est effondrée avec la crise. Les chrétiens-démocrates voulaient lancer une politique de rigueur assez floue, ce que refusaient les travaillistes. Résultat, l'impuissant Balkende a piteusement frappé à la porte de la reine Béatrix pour présenter sa démission et annoncer des élections anticipées pour juin prochain. Du pain béni pour Geert Wilders: depuis son succès aux européennes (17 % des voix) le président du PVV mène un patient et actif travail de sape. Déjà en mai 2009, l’hebdomadaire français Valeurs actuelles prévenait : "Si des élections avaient lieu aujourd’hui et non en mai 2011, le populiste de droite (…) aurait de sérieuses chances d’occuper le poste de Premier ministre des Pays-Bas. (…) Malgré ses déclarations à l’emporte-pièce, Geert Wilders séduit de plus en plus. Selon une étude publiée dans le magazine Vrij Nederland, 35% des personnes interrogées estiment qu’il ne va pas trop loin dans ses commentaires sur l’islam. Plus de 60% sont d’accord avec sa proposition consistant à retirer aux délinquants d’origine étrangère la nationalité néerlandaise."
Geert Wilders est une personnalité ambigüe. Issu d'un milieu catholique modeste, mais ayant rompu avec l'Église à sa majorité, il est le fruit de deux exils : son père, allemand, a fuit le nazisme en Hollande et sa mère, née aux Indes néerlandaises, a été chassée par la proclamation d’indépendance. Souriant et sympathique, il passe bien dans les médias mais n'offre pas réellement de propositions concrètes: comme Berlusconi, il affirme détenir la solution et martèle sans ciller ses arguments. Pur carriériste, à l'origine proche des milieux d'affaires, ce n'est pas un tribun d'extrême-droite : ardent défenseur de l'État d'Israël, il est fidèle au consensus social néerlandais qui promeut le mariage gay, l’avortement, la prostitution, l’euthanasie et l’homoparentalité. Mais en accusant pêle-mêle les élites de favoriser l'islamisation de l'Europe, il est clairement populiste. Aux yeux des biens-pensants, cet homme flatte les classes populaires marginalisées, selon un schéma très classique. La réalité est plus complexe: "ce n'est pas vrai du tout que Wilders recueille des voix dans les banlieues", répond Sylvain Ephimenco, journaliste franco-hollandais, qui a été pendant 20 ans correspondant du quotidien hexagonal Libération à Rotterdam. "Aujourd'hui, les électeurs de Wilders sont des gens cultivés, même si au début c'était la Hollande des classes modestes, des tatoués. Beaucoup d'universitaires et de gens de gauche votent pour lui." Grâce à une tactique habilement rodée, Geert Wilders fait l'unanimité autour de son programme anti-islam. Tous ceux qui craignent aujourd'hui la religion du Prophète s'y retrouvent. Il défend l'égalité homme-femme, vole au secours des bars homosexuels incendiés à Rotterdam par des exaltés d'Allah, et répète que lui, l'athée, préfère la culture judéo-chrétienne à la culture musulmane. Un choix doublement judicieux. D'abord parce qu'il lui permet d'attirer un certain type d'électeurs: en Hollande, pays sécularisé à l’extrême, où la religion majoritaire est le catholicisme, subsiste des communautés protestantes qui vivent dans le Bjibelgordel, la "ceinture biblique" qui traverse les Pays-Bas du Sud-Ouest au Nord-Est. Confrontés à l’afflux d’immigrés musulmans dans leurs bourgades, ces calvinistes intransigeants votent à chaque élection pour les deux petits partis protestants de l’échiquier, l’Union chrétienne (CU) et le Parti réformé néerlandais (SGP). Ce dernier a un programme simple, l’instauration d’une théocratie basée sur le Décalogue aux Pays-Bas, et cause du soucis au premier, plus modéré, qui est cependant obligé de nouer des alliances locales avec cet étrange partenaire sorti des âges les plus ténébreux de la Réforme. Aujourd'hui, avec la montée de la surenchère et des peurs, l'électorat commun du SGP et de la CU pourrait bien se rallier au PVV. Or, ces deux partis sont nécessaires pour former une coalition. Et puis, en convoquant la civilisation occidentale face à l'islam, Wilders joue la carte culturelle, ce qui est efficace ; le Hollandais moyen a perdu la foi mais se reconnaît toujours comme chrétien d'esprit. Les théoriciens néo-conservateurs américains l'ont bien compris, et placent Geert Wilders au centre de leur stratégie de rassemblement de "l'Occident judéo-chrétien": vaste fumisterie globalisée qui consacre l'alliance civilisationnelle de l'Europe, des États-Unis et d'Israël, dans laquelle l'UE et l'OTAN ne font qu'un. Ancien conseiller de George W. Bush et directeur du think-tank Middle East Forum, Daniel Pipes a récemment décrit Geert Wilders comme "l'Européen le mieux placé pour faire face au défi islamique auquel le continent est confronté. (...) le leader incontesté de ces Européens qui souhaitent conserver leur identité historique".
Mais enfin que se passe-t-il chez les Bataves ? Simplement que le modèle multiculturaliste prôné par les gouvernements successifs s'est effondré, et que les revendications du million de musulmans hollandais (sur 15 millions d'habitants), teintées de fondamentalisme, sont de plus en plus agressives. A Rotterdam, les 40 % d'habitants d'origine étrangère ont élu un fils d'imam au poste de bourgmestre, Ahmed Aboutaleb, lequel a permis l'instauration d'horaires séparées dans les piscines et a fait interdire des pièces de théâtre se moquant de Mahomet. Les musulmans ne se reconnaissent pas dans la société libérale hollandaise, tandis que les autorités déploient une série de mesures en faveur des minorités: un véritable suicide. Un monde parallèle s'est peu à peu mis en place, et sur le plan local, rien ne s'oppose à une instauration de facto de la Charia dans les zones où les musulmans sont majoritaires. L'humanisme bon teint de la gauche et l'affairisme des libéraux ont suscité un mouvement qui se retourne contre ses créateurs. C'est une nation entière avec sa conception du monde et son mode de vie qui a été sacrifiée sur l'autel de la déesse diversité. Par aveuglement ou fidélité idéologique, les classes dirigeantes néerlandaises et les différents acteurs publics n'ont pas changé d'un iota leur politique multiculturaliste. Le voile intégral ? "Concevable" selon l'ex-ministre travailliste à l'intégration. Les tests imposés aux candidats à la nationalité ? "Discriminatoires" selon Human Rights Watch et donc interdits. La protestation d'un chauffeur de bus insulté parce que chrétien par ses collègues musulmans ? "Racisme, islamophobie" etc. A trop abuser le peuple, on en arrive à l'excéder.
Tout semble donc annoncer un succès de la droite populiste. Au lendemain de l'annonce de la chute de la coalition, le quotidien Trouw, l'équivalent protestant de La Croix en Hollande ne se faisait guère d'illusions sur l'avenir:
Tout semble donc annoncer un succès de la droite populiste. Au lendemain de l'annonce de la chute de la coalition, le quotidien Trouw, l'équivalent protestant de La Croix en Hollande ne se faisait guère d'illusions sur l'avenir:
" Les électeurs doivent maintenant se prononcer rapidement. Comme la possibilité d’une nouvelle coalition entre le CDA et le PvdA est quasiment exclue, l’éventualité d’un gouvernement avec le PVV se rapproche. Pour beaucoup, c’est une vision d’horreur. Les chefs de file du PvdA et du CDA n’ont, jusqu’à présent, pas donné l’impression d’en avoir suffisamment pris conscience. "Rien n'est cependant moins sûr que l'arrivée au gouvernement de Wilders ou d'un de ses adjoints. L'électorat hollandais, de plus en plus volatile et abstentionniste, peut très bien abandonner le PVV le jour du scrutin. De plus, Geert Wilders restera-t-il fidèle à son discours radical s'il veut convaincre d'autres forces politiques à participer aux affaires avec lui ? En tout cas, les Pays-Bas ne semblent pas sortis de sitôt de la névrose actuelle, pris au piège dans une logique destructrice. Voltaire disait qu'il était opportun de mener le peuple à la baguette. Mais il se peut que le peuple secoue le joug qu'on lui impose, même si c'est au nom des Lumières. Après la France et la Hollande en 2005, l'Irlande en 2008 et la Suisse en 2009, partout la démocratie rejette la voie proposée par les élites autoproclamées éclairées et se jette dans les bras du populisme. Les Pays-Bas fourniront-ils un nouvel exemple de ce fossé qui se creuse entre dirigeants et dirigés ?
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