Mon innocence est ma forteresse

Marquis de Montcalm (1712- 1759).

dimanche 31 janvier 2010

Pavé dans la mare



«Homophobe ! ». Les titres de la presse belge n’ont pas fait dans la nuance pour saluer la nomination par Benoît XVI de l’évêque de Namur Mgr André Léonard comme archevêque de Malines-Bruxelles. La décision du pape a suscité une vague de réactions stupéfaites dans un pays parmi les plus libéraux d’Europe. Tandis que la RTBF, première chaîne télé belge francophone, donnait la parole à des intervenants en colère, le journal Le Soir annonçait en une « à peine 17 % des catholiques belges favorables à Mgr Léonard ». Le journal paroissial Dimanche n’est pas en reste, traitant le cardinal de réactionnaire et de conservateur. Le vice-Premier ministre socialiste Laurette Onkelinx a enfin accusé le nouveau primat de vouloir «remettre en cause le compromis belge qui se fonde sur le principe de neutralité.» Le crime de Mgr Léonard ? Condamner l’avortement et rappeler la vision du mariage selon l’Eglise catholique, c’est-à-dire l’union stable d’un homme et d’une femme : un blasphème pour la Belgique qui a légalisé le mariage homosexuel. Du coup, les accusations pleuvent sur cet archevêque étiqueté d’ « ultra-catholique ».

Ultra-catholique ? Orphelin de guerre né en 1940, André Léonard est ordonné prêtre après de brillantes études à la fameuse Université catholique de Louvain (UCL), où il sera professeur de philosophie. Cet intellectuel qui jouit d’un bon bilan dans son diocèse a été choisi par Benoît XVI pour ses qualités de défenseur inconditionnel de la vie et de la famille. Le catholique est un chrétien qui suit les enseignements du pape. En ce sens, Mgr Léonard est tout simplement… catholique ! Une attitude qui tranche certes avec celle de son prédécesseur : homme du concile Vatican II, le cardinal Godfried Daneels considérait que l’Eglise n’avait pas à se mêler de politique. L’avortement, l’euthanasie, le mariage et l’adoption homosexuels, les mères porteuses, les expérimentations sur embryons, le clonage thérapeutique furent ainsi légalisés en quelques années sans rencontrer d’opposition. Pendant ce temps, la sécularisation heurte de plein fouet l’Eglise belge, qui a perd un nombre impressionnant de fidèles depuis des décennies. D’où l’audace du pape de nommer un homme talentueux et ferme sur les positions éthiques ecclésiales pour conjurer le déclin et réaffirmer la voie catholique en matière de mœurs.

Pays au parlementarisme instable, traversé par de violentes querelles linguistiques entre la Wallonie francophone et la Flandre néerlandophone, la Belgique cultive l’esprit du consensus. Officiellement, le royaume reconnaît six cultes : le catholicisme, le protestantisme, l’orthodoxie, l’anglicanisme, le judaïsme et l’islam, mais consigne à été donnée de faire primer une laïcité artificielle avant toute confession, histoire de contenter tout le monde. En 2002, le Parti chrétien-démocrate francophone s’est transformé en Centre démocrate humaniste, pour faire plus politiquement correct. La patrie de la bande-dessinée a fait sienne la formule du dessinateur Philippe Geluck : « On ne montre pas son culte à tous les passants ». L’identité catholique est tranquillement revendiquée par la majorité de la population, mais il est n'est pas question de faire état de sa foi en public. En zone flamande, la messe dominicale est encore assez fréquentée, mais la pratique religieuse a disparue partout ailleurs. A Bruxelles, les catholiques sont une minorité (34 %), la première religion pratiquée dans la capitale étant l’islam, une situation qui fait frémir les journalistes américains de la chaîne conservatrice Fox News.

La très forte influence des lobbies libres-penseurs et progressistes domine la scène publique belge. Au printemps 2009, le Parlement a voté une résolution condamnant les propos de Benoît XVI sur le préservatif, un cas unique dans le monde. Les couloirs de l’Université libre de Bruxelles résonnent de propos anticléricaux d’un autre âge qui ne trouvent d’équivalents que dans la France maçonnique de 1905. Une religion de l’athéisme, appelée « laïcité organisée », qui dispose d’aumôniers dans les services publics (les « conseillers humanistes ») et de structures funéraires propres, a même été mise en place dans les années 1990 dans le but avoué de nuire à l’Eglise catholique.

Il fut cependant une époque où la figure du prêtre était importante dans la société belge. En 1830, les Belges qui vivaient sous le joug hollandais se révoltèrent à la suite d’une révolution libérale qui suscita beaucoup d’enthousiasme en Europe. Sur fond d’éveil des nationalités, le soulèvement belge se voulait catholique, dirigé contre le protestantisme des occupants. Jusqu’au milieu du XXe siècle, l’Eglise fut ainsi considérée comme un pilier majeur du petit royaume. « La Belgique était une sorte de citadelle catholique, surtout pour la partie flamande, explique Mgr Léonard dans une récente interview. Les institutions catholiques étaient omniprésentes : écoles, cliniques, hôpitaux, syndicats, mutuelles… Il règne aujourd’hui comme un esprit de revanche envers une Église qui a, par le passé, peut-être trop fait la pluie et le beau temps. » Qui sait si, comme au Québec et en Irlande, l’Eglise ne paie pas sa trop forte institutionnalisation, accompagnée d'inévitables abus, au pays de Tintin ?

La nomination de Mgr Léonard est un rappel salutaire. Pour un chrétien, la vérité est une. Nul compromis, nul consensus n’est possible. Elle est de plus une réponse éloquente à la question qui taraude les catholiques qui s’engagent dans la sphère publique, et notamment en politique: le témoignage chrétien doit servir la société, mais en aucun cas s’assimiler à elle. Comme le rappelle le nouveau cardinal de Bruxelles, « Jésus a parlé de la foi et de l’engagement chrétien, comme levain dans la pâte. Si le levain s’identifie entièrement à la pâte, il n’apportera plus rien à la pâte, il sera dissout simplement dans la pâte. Il est intéressant, parce qu’il est différent, mais il doit être dedans. Il faut être différent de la pâte, mais dans la pâte.»


3 commentaires:

  1. Réactionnaire, une insulte ou un compliment?:)
    Une fois de plus, un très bon article.

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  2. Nous prions pour lui c'est un saint homme ! la vérité triomphera ! En 2000 ans on a connu des ennemis beaucoup plus coriasse :p

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  3. Invité ces derniers jours à la RTBF, Mgr Léonard a fait une belle performance en répondant franchement et fermement aux questions délicates (entre autres, sur l'homosexualité). Résultat: 64 % des téléspectateurs (soit 400 000 personnes) se disent satisfait de sa nomination... Alleluia !

    http://www.rtbf.be/info/societe/medias/revoyez-repondezla-question-avec-mgr-leonard-184320

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