Mon innocence est ma forteresse

Marquis de Montcalm (1712- 1759).

dimanche 31 janvier 2010

Pavé dans la mare



«Homophobe ! ». Les titres de la presse belge n’ont pas fait dans la nuance pour saluer la nomination par Benoît XVI de l’évêque de Namur Mgr André Léonard comme archevêque de Malines-Bruxelles. La décision du pape a suscité une vague de réactions stupéfaites dans un pays parmi les plus libéraux d’Europe. Tandis que la RTBF, première chaîne télé belge francophone, donnait la parole à des intervenants en colère, le journal Le Soir annonçait en une « à peine 17 % des catholiques belges favorables à Mgr Léonard ». Le journal paroissial Dimanche n’est pas en reste, traitant le cardinal de réactionnaire et de conservateur. Le vice-Premier ministre socialiste Laurette Onkelinx a enfin accusé le nouveau primat de vouloir «remettre en cause le compromis belge qui se fonde sur le principe de neutralité.» Le crime de Mgr Léonard ? Condamner l’avortement et rappeler la vision du mariage selon l’Eglise catholique, c’est-à-dire l’union stable d’un homme et d’une femme : un blasphème pour la Belgique qui a légalisé le mariage homosexuel. Du coup, les accusations pleuvent sur cet archevêque étiqueté d’ « ultra-catholique ».

Ultra-catholique ? Orphelin de guerre né en 1940, André Léonard est ordonné prêtre après de brillantes études à la fameuse Université catholique de Louvain (UCL), où il sera professeur de philosophie. Cet intellectuel qui jouit d’un bon bilan dans son diocèse a été choisi par Benoît XVI pour ses qualités de défenseur inconditionnel de la vie et de la famille. Le catholique est un chrétien qui suit les enseignements du pape. En ce sens, Mgr Léonard est tout simplement… catholique ! Une attitude qui tranche certes avec celle de son prédécesseur : homme du concile Vatican II, le cardinal Godfried Daneels considérait que l’Eglise n’avait pas à se mêler de politique. L’avortement, l’euthanasie, le mariage et l’adoption homosexuels, les mères porteuses, les expérimentations sur embryons, le clonage thérapeutique furent ainsi légalisés en quelques années sans rencontrer d’opposition. Pendant ce temps, la sécularisation heurte de plein fouet l’Eglise belge, qui a perd un nombre impressionnant de fidèles depuis des décennies. D’où l’audace du pape de nommer un homme talentueux et ferme sur les positions éthiques ecclésiales pour conjurer le déclin et réaffirmer la voie catholique en matière de mœurs.

Pays au parlementarisme instable, traversé par de violentes querelles linguistiques entre la Wallonie francophone et la Flandre néerlandophone, la Belgique cultive l’esprit du consensus. Officiellement, le royaume reconnaît six cultes : le catholicisme, le protestantisme, l’orthodoxie, l’anglicanisme, le judaïsme et l’islam, mais consigne à été donnée de faire primer une laïcité artificielle avant toute confession, histoire de contenter tout le monde. En 2002, le Parti chrétien-démocrate francophone s’est transformé en Centre démocrate humaniste, pour faire plus politiquement correct. La patrie de la bande-dessinée a fait sienne la formule du dessinateur Philippe Geluck : « On ne montre pas son culte à tous les passants ». L’identité catholique est tranquillement revendiquée par la majorité de la population, mais il est n'est pas question de faire état de sa foi en public. En zone flamande, la messe dominicale est encore assez fréquentée, mais la pratique religieuse a disparue partout ailleurs. A Bruxelles, les catholiques sont une minorité (34 %), la première religion pratiquée dans la capitale étant l’islam, une situation qui fait frémir les journalistes américains de la chaîne conservatrice Fox News.

La très forte influence des lobbies libres-penseurs et progressistes domine la scène publique belge. Au printemps 2009, le Parlement a voté une résolution condamnant les propos de Benoît XVI sur le préservatif, un cas unique dans le monde. Les couloirs de l’Université libre de Bruxelles résonnent de propos anticléricaux d’un autre âge qui ne trouvent d’équivalents que dans la France maçonnique de 1905. Une religion de l’athéisme, appelée « laïcité organisée », qui dispose d’aumôniers dans les services publics (les « conseillers humanistes ») et de structures funéraires propres, a même été mise en place dans les années 1990 dans le but avoué de nuire à l’Eglise catholique.

Il fut cependant une époque où la figure du prêtre était importante dans la société belge. En 1830, les Belges qui vivaient sous le joug hollandais se révoltèrent à la suite d’une révolution libérale qui suscita beaucoup d’enthousiasme en Europe. Sur fond d’éveil des nationalités, le soulèvement belge se voulait catholique, dirigé contre le protestantisme des occupants. Jusqu’au milieu du XXe siècle, l’Eglise fut ainsi considérée comme un pilier majeur du petit royaume. « La Belgique était une sorte de citadelle catholique, surtout pour la partie flamande, explique Mgr Léonard dans une récente interview. Les institutions catholiques étaient omniprésentes : écoles, cliniques, hôpitaux, syndicats, mutuelles… Il règne aujourd’hui comme un esprit de revanche envers une Église qui a, par le passé, peut-être trop fait la pluie et le beau temps. » Qui sait si, comme au Québec et en Irlande, l’Eglise ne paie pas sa trop forte institutionnalisation, accompagnée d'inévitables abus, au pays de Tintin ?

La nomination de Mgr Léonard est un rappel salutaire. Pour un chrétien, la vérité est une. Nul compromis, nul consensus n’est possible. Elle est de plus une réponse éloquente à la question qui taraude les catholiques qui s’engagent dans la sphère publique, et notamment en politique: le témoignage chrétien doit servir la société, mais en aucun cas s’assimiler à elle. Comme le rappelle le nouveau cardinal de Bruxelles, « Jésus a parlé de la foi et de l’engagement chrétien, comme levain dans la pâte. Si le levain s’identifie entièrement à la pâte, il n’apportera plus rien à la pâte, il sera dissout simplement dans la pâte. Il est intéressant, parce qu’il est différent, mais il doit être dedans. Il faut être différent de la pâte, mais dans la pâte.»


vendredi 29 janvier 2010

Vae vicits

L'annonce a fait la une de la presse entière. Lundi 25 janvier, l'ex-général Ali Hassan al-Majid, ancien chef militaire du régime baasiste était pendu après sa condamnation à mort par le Haut tribunal pénal irakien. Il était accusé de génocide et de crime contre l'humanité à cause de sa participation à la répression contre les Kurdes en 1988: confronté à la révolte des séparatistes kurdes alliés aux Iraniens, Saddam Hussein avait déclenché l'opération Anfal, inspirée d'un verset du Coran qui signifie "butin de guerre". Le responsable de la campagne militaire était son propre cousin, commandant de la région militaire du Nord, Ali al-Majid, connu pour sa brutalité et sa fidélité au parti unique Baas. Le 16 mars 1988, les avions irakiens bombardent le village kurde d'Halabja, à la frontière iranienne, en employant du gaz moutarde. Cette attaque, qui tua 5000 personnes, en majorité des femmes et des enfants, valut au général irakien le macabre surnom d'Ali "le chimique".

Après les pendaisons de Saddam Hussein en 2006 et d'Ali al-Majid en 2010, le jugement de la dictature se poursuit en Irak. Les Américains souhaitaient rejouer le rythme éclair de la dénazification de l'Allemagne avec la mise en place d'un tribunal pénal dès 2004, ce qui a surtout eu pour effet de casser la colonne vertébrale du pays avec la disparition des structures civiles du Parti baas, dissout et interdit par l'occupant. On peut se poser la question de la légitimité d'une telle cour de justice qui a été installée par l'occupant. Le déroulement des procédures est aussi soumis aux critiques ; dans le cas de Saddam Hussein, les avocats de la défense n'ont pas eu le droit de rencontrer leur client, et les juges ont été soumis aux pressions exercées par le Premier ministre Nouri al-Maliki, qui s'était promis la tête de l'accusé. Celui-ci fut d'ailleurs exécuté dans des conditions indignes de l'État de droit que les Etats-Unis s'étaient vantés d'établir en Irak. Al-Maliki est revenu en Irak dans les fourgons de l'armée américaine après 20 ans d'exil en Syrie, où il était chef du bureau djihad du parti islamiste chiite Dawa persécuté par Saddam Hussein. Cette dérive en vengeance personnelle illustre les limites des grands procès de dictateurs et de criminels de guerre à résonance internationale, qui deviennent les procès des vainqueurs sur les vaincus. Le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie qui siège à La Haye, bonne conscience des opinions publiques occidentales et fierté des juristes européens, est complètement discrédité: pourquoi les serbes Karadzic et Mladic, vaincus, sont-ils pourchassés sans pitié alors que le tribunal a accordé l'impunité aux chefs albanais (dont l'actuel Premier ministre du Kosovo) coupables de trafic d'organes sur des prisonniers mais membres du camp des vainqueurs ? Le bilan actuel du Tribunal spécial pour le Cambodge est pire encore. Mis sur pied par la communauté internationale en 2008, le jugement des anciens Khmers Rouges, coupables d'un des pires crimes du XXe siècle commis au nom d'un communisme intransigeant, arrive trente ans après les faits. Seuls cinq vieillards ont été arrêtés, le droit dont se parent les juges est totalement étranger aux Cambodgiens... Et surtout: les puissances internationales ne seront pas inquiétées. Pourtant, à se pencher sur les faits, les pays occidentaux, défenseurs hier du droit d'ingérence à la Kouchner et aujourd'hui de la guerre juste d'Obama, ne sont pas exemptes de responsabilités. L'Irak de Saddam Hussein était à la fois un allié socialiste de l'URSS dans le monde arabe, un barrage utile des États-Unis face à l'Iran et une source de contrats juteux pour la France. Les avions de chasse irakiens qui ont bombardé le Kurdistan étaient des Mig et des Mirage, fournis par l'Union soviétique et la France. Les pilotes étaient formés par des conseillers français. La même année du massacre de Halabja, le groupe américain Bethel remportait un contrat de construction d'une usine chimique en Irak destinée à des fins civiles et militaires. L'ancien président de Béthel George Shultz, alors Secrétaire d'État dans l'administration Reagan, avait pesé de tous son poids pour une coopération avec Saddam Hussein. Il sera par la suite membre du Comité de libération de l'Irak.

Robert McNamara, l'architecte de la guerre du Vietnam, avait cette confidence: « heureusement que nous avons été victorieux (sic) sinon nous aurions été jugés comme criminels de guerre »

L'Irak d'aujourd'hui est dirigé à la fois par les Kurdes sunnites du Nord, à travers le président de la République Jalal Talabani et les chiites du Sud en la personne du Premier ministre Nouri Al-Maliki. Ce qu'ils ont de commun: ils doivent tout aux Américains. Les Kurdes rêvent de détruire l'Irak pour fonder leur État indépendant, tandis que les chiites d'Al-Maliki regardent vers l'Iran. Pendant ce temps, un homme attend lui aussi sa condamnation. C'est l'ancien ministre des Affaires étrangères Tarek Aziz, longtemps n°2 du régime irakien. Chrétien protégé par la laïcité baasiste, (laquelle est aujourd'hui remplacé par l'islamisation forcée des amis d'Al-Maliki) mondain et fin négociateur, il fut l'interlocuteur privilégié de l'Occident pendant les années 1980. Le 20 décembre 1983, à Bagdad, Tarek Aziz présentait à Saddam Hussein un fonctionnaire américain bien sous tous rapports venu lui assurer le soutien des États-Unis contre l'Iran de la Révolution islamique. Il s'appelle Donald Rumsfeld, envoyé spécial de Ronald Reagan au Moyen-Orient. Vingt ans plus tard, devenu secrétaire d'État à la Défense des États-Unis, c'est lui qui sera l'instigateur de la guerre en Irak. Tarek Aziz n'a pas grand-chose à se reprocher, sinon d'avoir servi un régime vaincu, pourtant le tribunal compte bien le mettre dans le même sac que Ali le chimique pour la destruction de villages kurdes qu'il n'a pas ordonné. Là aussi, le silence gêné de la communauté internationale se fait entendre.

Saddam Hussein voyait en Saladin un modèle. Le mythique sultan vainqueur des croisés était kurde.

mardi 26 janvier 2010

Haine de la Hollande

Il est un pays du Nord de l’Europe où les terres se situent au-dessous du niveau de la mer. Où dans notre représentation fleurissent tulipes et ajoncs à l’ombre des vieux moulins. Un royaume longtemps ennemi de la France ; les guerres de Louis XIV et Louis XV auxquelles le Marquis a participé courageusement virent presque toujours ses habitants farouchement protestants combattre aux côtés des anglais. D'Artagnan, mousquetaire dans les armées du roi, y mourut. Ce pays se nomme la Hollande. On y prend des idées et on le présente comme un modèle. Déjà au XVIIe siècle, les huguenots français qui rêvaient de faire de la France une république calviniste selon les principes démocratiques des assemblées réformées citaient le Stathouder Guillaume d’Orange en exemple. Aujourd’hui, il n’est plus question de politique et encore moins de religion (la Hollande est un État majoritairement athée) ; il s’agit de mœurs, et ce sont les mœurs néerlandaises qu’on prend pour exemple. En effet, la Hollande est le premier pays qui a légalisé le mariage homosexuel en 2002, le premier ayant été célébré à Amsterdam par l’actuel bourgmestre Job Cohen, pilier de la gauche libérale. Cette situation suscite les éloges appuyés des médias et des faiseurs de pensée français. Les pays du Nord étant à la mode, on en profite et on vante les mérites de la tolérance hollandaise. « Pourquoi la France n’accepte pas que tous puissent s’aimer librement et se marier comme ils le veulent ? Regardez la Hollande, ça marche très bien » entend-on régulièrement. Ces questions sont légitimes ; pour nos contemporains, la libération des mœurs est devenue le seul critère valable pour définir la modernité. De plus, on refuse que les comportements individuels soient régis et définis par des autorités extérieures au « moi », que ce soit l’Eglise, l’Etat ou la loi. Or, ce qui est bien avec la loi, c’est qu’on peut la changer. La législation hollandaise a autorisé le mariage gay, pourquoi ne pas suivre leur exemple ? Voyez la Suède, voyez le Danemark, voyez la Norvège, voyez la Belgique, voyez le New Hampshire… En Californie, dans le décor idyllique de San Francisco, se déroule une bataille judiciaire capitale : l’annulation du référendum de 2008 qui a interdit les unions homosexuelles dans l’État d’Arnold Schwarzenegger. Si la Cour suprême fédérale se prononce dans le sens des associations LGBT, cette décision sera interprétée comme une avancée vers la légalisation du mariage homosexuel aux États-Unis. Le président Obama est pour, au délice de ses admirateurs européens, prêts à se faire entendre eux aussi.

En France, nous avons le Pacs. Mais qu’importe que ce contrat qu’on signe comme pour acheter une voiture ne concerne presque exclusivement que des personnes hétérosexuelles, certains lobbies gay en veulent plus : ils veulent arracher la reconnaissance sociale du mariage. Derrière se cachent des calculs nettement moins avouables, la destruction de la notion d’engagement conjugal et la négation de la différence homme-femme, entre autres. Après la légalisation du mariage gay, d’autres revendications suivraient, comme l’adoption des enfants par les couples LGBT. En Hollande c’est déjà fait. Et puis, dans une excitation proche de la folie de la Révolution, nos législateurs décideraient d’en finir avec les « préjugés » et se hâteraient, non seulement de redonner à la minorité gay les privilèges d’Ancien régime, mais aussi de faire passer tout ce que pour l’instant l’Assemblée nationale refuse : les mères-porteuses (comme en Hollande), la recherche totale sur les cellules souches (comme en Hollande), l’avortement jusqu’à 22 semaines (comme en Hollande)… et pourquoi pas l’euthanasie ? En Hollande, on s’en doute, cette pratique est légalisée depuis des années. Même l’euthanasie des enfants y est permise, et le consensus social sur ce sujet est total. L'euthanasie fonctionne d'ailleurs tellement bien qu'on assiste à une fuite croissante des seniors en Allemagne, inquiets à l'idée d'être liquidés par un médecin trop zélé dans son humanisme ou par des héritiers impatients. Dans une tribune célèbre publiée dans la presse en 2009, le Premier ministre chrétien-démocrate Jan Peter Balkende attribue le « caractère libre et ouvert de la société néerlandaise » à… la théologie de Calvin ! Les générations de prêcheurs qui ont fait la Hollande puritaine des siècles suivant la Réforme auraient apprécié. Aujourd’hui, ce sont les musulmans qui tonnent contre la corruption des mœurs dans les églises vides transformées en mosquées. L’équilibre de plus en plus instable entre la société athée et libérale et l’importante communauté musulmane gagnée par l’islamisme radical provoque d’ailleurs quelques secousses, ce qui fait le succès électoral du blond chef de file de la droite populiste et anti-islam Geert Wilders.

Mais existe-t-il une limite dans le progrès ? Les Hollandais ont encore la réponse : la légalisation de la zoophilie, l’abaissement de la majorité sexuelle à 12 ans et l’autorisation de la pornographie infantile. Ces revendications très sérieuses sont celles d’un parti politique crée en 2007, le Parti pour l’amour fraternel, la liberté et la diversité (PNVD). Vous n’auriez pas pu la boucler, les Bataves ?

vendredi 22 janvier 2010

Un copieur sachant copier


La médiatique commission parlementaire réunie à l'été 2009 pour étudier le phénomène de la burqa, le voile intégral porté par environ 3000 musulmanes sur le territoire français, rend ses travaux , son président PCF André Gérin préconisant une "interdiction absolue dans les lieux publics", et le non moins médiatique président du groupe UMP à l'Assemblée nationale Jean-François Copé, député-maire de Meaux, a déposé une proposition de loi visant à interdire la dite burqa dans les lieux publics, sous peine de 750 euros d'amende. Pressé et ambitieux, déjà candidat à la présidentielle de 2017, cet énarque qui se soigne profite d'une toile de fond inquiétante (minarets suisses, doutes que l'islam soit compatible avec la République française, menaces d'attentats etc.) pour saisir une occasion en or de se mettre sur le devant de la scène. Problème: le député UMP du Nord Christian Vanneste affirme que Copé a purement et simplement plagié sa propre proposition de loi anti-burqa déposée en septembre 2009. Dans une lettre ouverte publiée dans l'Express, le un peu moins médiatique Vanneste se plaint de l'attitude de son collègue et président de groupe. Cependant, il omet de préciser qu'il tient lui-même l'idée d'interdire le voile intégral islamique d'un certain Philippe de Villiers, le président du Conseil général de Vendée, bien connu mais occasionnellement médiatique: en novembre 2006, ce dernier, influencé par son adjoint de l'époque Guillaume Peltier, avait proposé une interdiction "dans la rue et les espaces publics". Ancien chef de la section jeunesse du FN, passé au MNR de Bruno Mégret puis au MPF de Philippe de Villiers, Peltier s'est depuis mis au service de Jean-François Copé, qu'il conseille et qu'il abreuve en notes et en projets... Qui a copié ?

André Gérin, Jean-François Copé, Christian Vanneste et Philippe de Villiers ont les mêmes arguments à la bouche: la dignité de la femme en premier (et la pornographie alors ?), puis la sécurité, les fondements républicains, la laïcité etc. Tous n'ont pas les mêmes objectifs. Les deux derniers, dont le député ch'ti signe sa lettre à son président de groupe en l'assurant de sa "mansuétude la plus chrétienne qui soit", défendent une conception de la société française culturellement catholique, où la burqa n'est pas vraiment une valeur partagée. Le second bâtit sa stratégie politique: il crée un club, Génération France, aux accents patriotes, évoque Bonaparte et Bossuet, donne des gages à ce qu'on appelle la bourgeoisie, soigne son image d'homme d'ordre et d'autorité... Une technique copiée sur celle de Nicolas Sarkozy en 2007 mais qui paye: encore quelques années de travail de fond et de terrain, et c'est toute la banlieue Ouest de Paris, Versailles, St Germain-en-Laye et les beaux quartiers de Nantes et Bordeaux qui tomberont dans les bras d'un orateur qui parle d'ordre et de nation. Quant au premier, il veille à entretenir une vision intransigeante de la laïcité d'une République étrangère aux cultes soudain mise en danger par des interlocuteurs apparemment moins coopératifs que les curés, rabbins et pasteurs.


... Mais André Gérin est un pragmatique, malgré son étiquette communiste. Député-maire de Vénissieux, qui compte une importante population musulmane, le défenseur de la laïcité a décidé de faire construire une mosquée de 3000m2, avec coupole, minarets et restaurant hallal. Qui a dit que la République ne voulait pas s'adapter à l'islam ?


jeudi 21 janvier 2010

L'avortement, une passion américaine

Dimanche 17 janvier 2010, des collectifs d’associations opposées à l’avortement défilent dans Paris. Près de 20 000 personnes, le milieu bon chic bon genre est surreprésenté, pour le meilleur et pour le pire. Quelque chose attire le regard : des pancartes multicolores rectangulaires « pour la vie », « l’avortement tue », « stop à l’IVG », inconnues dans les manifs françaises, hérissent la foule. Sur le podium, les organisateurs donnent le micro aux délégations étrangères. Après les Espagnols, très applaudis, un homme d’un certain âge se présente comme hollandais. Flanqué d’un traducteur en français, il harangue alors le rassemblement comme aucune gentille mère de famille ne l’avait fait auparavant. « Je n’étais pas prévu dans le plan de mes parents ! Si l’avortement avait été légalisé à cette époque, je ne serai pas là ! Avant je me fichais de ces questions, mais j’ai rencontré Dieu dans ma vie et je suis devenu pro-life (I met God and I became pro-life) ! Est-ce que vous êtes pro-life, ici ? Répondez ! ».

Cette Marche pour la vie se veut être une réponse directe à la classe politique française, en défilant précisément le jour de l’anniversaire de la promulgation de la loi Veil, qui a légalisé l’avortement en France il y a trente-cinq ans. Pourtant, les panneaux qui « flashent », les ballons et le formidable tribun néerlandais qui émaille son discours de jokes et qui en appelle à l’Eternel sont directement d’inspiration américaine. Les évêques espagnols ont beau pousser un million de leurs ouailles dans les rues de Madrid, les Irlandais et les Polonais ont beau défendre bec et ongles leur légalisation anti-avortement, le cœur du mouvement « pro-life » bat de l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis. Depuis le controversé arrêt Roe vs Wade rendu par la Cour suprême de 1973, qui a levé les interdictions d’interruption de grossesse au nom du 14e amendement défendant la vie privée, l’avortement y est un débat public. Plus que cela, c’est une passion qui divise profondément le pays. Ce combat tire bien sûr sa source du facteur religieux ; l’océan des Églises protestantes américaines est très majoritairement contre, les communautés évangéliques en tête. Mais la contestation de l’arrêt de 1973 est également juridique : la Cour suprême fédérale est sortie de son domaine de compétence pour entrer dans celui des États fédérés. Par cette décision, l’avortement devenait un droit constitutionnel fabriqué de toutes pièces, outrepassant la législation des États et laissant le champ libre à la jurisprudence qui autorisa progressivement l’avortement jusqu’à la naissance.

Le lobby pro-life américain est le plus actif du monde. Il est doté de moyens financiers importants, compte sur des relais dans les hautes sphères, dispose de structures locales développées et d’innombrables équipes de bénévoles motivés. Le réalisateur Jason Reitman s’est inspiré de leurs arguments pour son film Juno, histoire louée par la critique d’un héroïque petit bout de femme de 16 ans qui décide de garder son bébé et de le confier à des parents adoptifs. En face, le lobby « pro-choice », gardien du droit à l’avortement, plutôt urbain, hollywoodien et sécularisé, rassemblé derrière le puissant Planning familial américain et autour duquel gravite les groupes de pression progressistes. La fracture entre les deux camps est loin d’être tranchée. Si une courte majorité des Américains (51 %) est actuellement contre l’avortement, cela n’a pas toujours été ainsi.

A chaque élection, députés, sénateurs, gouverneurs et présidentiables doivent prendre parti sur le sujet. Depuis 2004, un document officiel des évêques américains frappe d’excommunication les politiciens qui refusent de condamner l’avortement, une chose impensable en France alors que les hommes politiques ne fréquentent guère les paroisses. Imaginez l’ancien maire de Neuilly se rendant à sa messe annuelle pour flatter son électorat catholique. Et le prêtre donnant la communion lui répondant « Désolé, je crains que cela ne soit pas possible… » Avouez que ce serait un signal fort, bouleversant pour les fidèles ! Les catholiques américains, eux, ne plaisantent pas en matière d’éthique. Venu prononcer un discours devant les étudiants de la prestigieuse université catholique Notre-Dame, dans l’Indiana, le président fraîchement élu Barack Obama a dû se frayer un chemin à coups de policiers matraqueurs dans une foule de manifestants pro-life hostiles à la politique très libérale du nouveau chef de l’État (fédéral) en matière d’avortement : les images de prêtres âgés menottés par les services de sécurité ont choqué plus d’un Américain. Cette véritable « affaire Notre-Dame » a exacerbé les passions outre-Atlantique ; le doyen de l’université ayant invité le président à recevoir un doctorat honoris causa le 17 mai 2009, l’honneur rendu à un homme aux idées sur le respect de la vie humaine opposées à l’enseignement de l’Église a fait scandale. Le cardinal Francis George, président de la conférence épiscopale des États-Unis, déplorant son « extrême embarras », fit preuve d’une ironie glacée très anglo-saxonne : « Il est clair que Notre-Dame n’a pas compris ce que signifiait être catholique quand elle a rendu publique l’invitation ». Différence fondamentale avec la France : aux États-Unis, l’Église catholique fait entendre sa voix sur les sujets de société.

C’est aussi aux États-Unis que les défenseurs de la vie fournissent le plus d’arguments à leurs adversaires. Le 31 mai 2009, jour de Pentecôte, le Dr George Tiller, avorteur notoire ayant provoqué le décès d’une jeune fille de 19 ans, a été abattu en plein dimanche matin par un militant pro-life alors qu’il assistait au culte luthérien à Wichita, dans le Kansas. « Des coups de feu dans une église, quelle horreur ! » faisait dire Lampedusa à un de ses personnages dans son roman Le Guépard. De plusieurs cas similaires, quelques talentueuses plumes acquises au dogme de l’avortement sans douleur et libérateur de la femme en ont fait la propagande efficace d’un « terrorisme chrétien ». Comme si ses actes criminels étaient comparables aux attentats islamistes… Si le lobby pro-life est puissant aux Etats-Unis, le lobby pro-IVG règne en Europe, se déchaînant à Bruxelles pour étendre la légalisation de l’avortement dans toute l’Union européenne et imposant une loi du silence assourdissante aux femmes enceintes piégées dans une société où tout pousse à supprimer l’enfant imprévu. Insensibles à leur détresse et aveuglés par une idéologie individualiste, les chiens de garde du « choix de la femme » sont souvent aussi féroces que certains prêcheurs radicaux.

Au fait, qui était Jane Roe ? Derrière le pseudonyme, une jeune femme droguée et alcoolique nommée Norma McCorvey récupérée par des avocates féministes, qui avaient besoin d’une plaignante enceinte pour plaider le droit à l’avortement. Contrainte d’inventer un faux témoignage de viol pour convaincre les juges, elle fut ensuite abandonnée après avoir permis au camp pro-choice de l’emporter à Washington. Elle traversa des années de solitude et de souffrance, puis embrassa le christianisme en 1995. Norma McCorvey a depuis dénoncé la manipulation dont elle a été victime et milite aujourd’hui pour l’annulation de l’arrêt de 1973. Elle fut logiquement arrêtée sur le campus de Notre-Dame lors de la venue de Barack Obama.

Requiescat in pace


Né sous le Grand roi Louis XIV qu'il aurait servi avec enthousiasme, le Marquis a toute sa vie servi Louis XV avec dévouement. Et il aurait servi Louis XVI avec fidélité. Lui qui n'était pas un courtisan n'aurait pas supporté une émigration honteuse.

Au moins est-il mort content ; il n'aura pas vu son roi périr de la main de son propre peuple.

« Je meurs innocent; je désire que le sang que vous allez répandre ne retombe pas sur la France. »

Louis XVI.

mardi 19 janvier 2010

Pourquoi le mal ?

Personne ne peut rester indifférent face au séisme dévastateur qui a frappé l'île d'Haïti ce mardi 12 janvier 2010. Le chiffre des victimes est encore vague, dans un des pays les plus pauvres du monde. Et tandis que la machine humanitaire internationale se met en branle, la question du sens à donner à cette tragédie est présente dans tous les esprits.

Le soucis occidental de vouloir tout expliquer se heurte ici à l'incompréhension de la nature. Mis à mal par les tsunamis, les éruptions volcaniques et les tornades, cultivé par toute une série de films-cataclysmes, l'imaginaire contemporain désespère de saisir l'insaisissable. Du coup, nos esprits raisonnés retombent avec complaisance dans une vision apocalyptique d'interprétation des signes. La tragédie haïtienne a sans le vouloir convoqué des prédicateurs sortis tout droit des heures les plus incertaines de la Réforme. Le télévangéliste Pat Robertson détient en effet l'explication du séisme dévastateur de Port-au-Prince. Sur sa propre chaîne de télévision, le prêcheur baptiste est arrivé à la conclusion que le cataclysme était la conséquence d'un pacte conclut entre les Haïtiens et le Diable lui-même il y a deux siècles pour chasser les Français. En effet, les Haïtiens étaient, rappelle-t-il, « sous le joug des Français, vous savez, Napoléon III ou je ne sais quoi ». Ce whatever illustrant la méconnaissance - le Marquis penche pour l'inculture - yankee de l'Histoire, on pourrai en rire dans d'autres circonstances. Une telle explication aurait certainement convenu aux colons français fuyant l'île rebellée en 1791. Luther lui-même, sur une route de Saxe, reçut sa vocation religieuse en étant piégé dans un terrible orage qu'il pensait être la manifestation de la puissance divine

De son côté, le pape a immédiatement réagi en activant les institutions caritatives de l'Église catholique. «Je fais appel à la générosité de tous afin que notre solidarité concrète et le soutien efficace de la communauté internationale envers ces frères et sœurs qui vivent un moment de nécessité et de douleur ne viennent pas à manquer», a déclaré Benoît XVI lors de son audience générale au Vatican dès mercredi 13 janvier. Le souverain pontife a également assuré les Haïtiens de sa prière, ce qui a valu quelques sarcasmes de la part de certains médias français. "Ces journalistes ne connaissent pas Haïti, réagit le bloggeur Patrice de Plunkett, interrogé le 15 janvier par Radio Notre-Dame aux côtés du journaliste Henrik Lindell et de l'essayiste Jean-François Colosimo, dans le traditionnel débat proposé par la radio, opposant un catholique, un protestant et un orthodoxe, Le peuple haïtien étant profondément religieux, appeler à la prière en solidarité des victimes, c'est parfaitement cohérent. Une ignorance qui rappelle la sous-culture médiatique". Peu de journalistes en effet connaissent l'histoire d'Haïti, première colonie française à proclamer son indépendance en 1804, ravagée depuis par des crises économiques, politiques, des dictatures féroces soutenues par l'étranger et des catastrophes naturelles. Un véritable enfer, dans lequel les Églises chrétiennes jouent un rôle primordial et extrêmement positif dans un pays marqué par la religiosité vaudoue et catholique (les deux se mélangent souvent). La condescendance des médias occidentaux envers la prière des Haïtiens est donc hors de propos. Cette catastrophe n'est pas le plan de Dieu. Ces drames font partie de la fêlure du monde, de la rupture du monde. Quant à l'aide apportée par les structures catholiques, elle s'inscrit dans la durée et en profondeur, reposant sur un message de charité bimillénaire, à la différence de l'aide internationale massive et médiatique, qui, parce qu'elle repose sur l'émotion et que ce sentiment est éphémère, ne tarde pas à retomber pour se porter vers une autre cause.


Ci-joint un très bon article de Vivre pour la Vérité.

Ci-joint l'appel de l'Ordre de Malte.



War Nobel Price


La trêve de Noël n'a guère été respectée en cette fin d'année. Et tout indique que 2010 sera riche en intentions belliqueuses. Depuis le début du mois de janvier, les officiels de Washington parlent ouvertement de prendre pour cible la branche de l'organisation terroriste Al-Qaeda basée au Yémen. La tentative d'attentat d'un jeune Nigérian venu du Yémen a ouvert les hostilités. Le conseiller anti-terroriste de la Maison-Blanche John Brennan a déclaré que les États-Unis allaient "anéantir " Al-Qaeda et a évoqué la menace de l'envoi de troupes sur place. Le 7 janvier, le président Barack Obama (et Prix Nobel de la Paix) a rappelé que l'Amérique était "en guerre ". " Comme si les interventions US en Irak et en Afghanistan n’étaient pas suffisantes pour étancher la soif de sang de l’Empire " ( Empire's bloodlust) commente, acerbe, le journaliste alternatif Ron Jacobs.
La crise yéménite ne surprendra pas les spécialistes du Moyen-Orient. Jadis surnommé "Arabie heureuse" (Arabia Felix) par les commerçants romains, le pays est une poudrière hautement explosive. Les islamistes, longtemps choyés par le gouvernement en place, sont nombreux, et les terroristes recrutent sans mal dans une société tribale et traditionnelle. En 2000, l'attaque du destroyer américain USS Cole dans le port d'
Aden (17 morts) était le premier d'une série spectaculaire d'attentats. Enfin, depuis 2004, une guérilla particulièrement atroce, qui a fait plus de 175 000 déplacés, oppose les troupes gouvernementales aux membres de la mouvance chiite zaydite, à la frontière avec l'Arabie saoudite. Pour avoir les mains libres dans la répression, le régime prétend que les rebelles sont aidés par l'Iran, tandis que les Saoudiens se permettent de poursuivre les Chiites qui ont dépassé la frontière à l'intérieur du Yémen.
Sur son blog, le journaliste Patrice de Plunkett ironise sur le "Peacemaker " Obama et pointe les conséquences immédiates de l'engagement américain: "Si l'objectif d'Al-Qaeda (ou ce qu'on nomme ainsi) était de renverser les régimes arabes existants pour instaurer un « califat », c'est raté. En revanche, si Al-Qaeda voulait enliser le colosse US dans des guerres-bourbiers perdues d'avance, c'est réussi."Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont fermé leur ambassade au Yémen, tandis que les contrôles se renforcent dans les aéroports et que le Congrès verse une aide militaire de 70 millions de dollars au président yéménite Ali Abdallah Saleh, grand démocrate élu par 96 % des voix en 2000 et autoproclamé maréchal en 1998. "Tout cela pour un attentat manqué : celui du 24 décembre dans un avion assurant la liaison Amsterdam-Detroit. S'il suffit de ça pour amener les Occidentaux dans une fournaise yéménite, alors qu'il avait fallu l'épouvante de septembre 2001 pour les amener dans le piège afghan, le gain de productivité pour Al-Qaeda est remarquable ; on voit qu'Ousâma ben Laden – héritier d'un empire économique –
a fait de solides études de gestion" conclut Plunkett.

A l'origine, une partie du Yémen actuel était un protectorat britannique: Londres avait perçu l'importance stratégique du port d'Aden, escale sur la route des Indes, qui contrôlait l'accès à la Mer rouge et à la Corne de l'Afrique, et avait occupé la ville en 1839. Les officiers de l'armée yéménite qui paradent, stick sous le bras, au son de la cornemuse en attendant l'heure du thé et la réplique de Big Ben à Aden sont les dernières traces visibles de l'héritage colonial. La domination de la Couronne s'étendit dans les oasis du Sud, mais les Anglais ne s'aventurèrent jamais dans les montagnes hostiles du Nord: déjà, la division était tracée entre les deux futurs Yémen du Nord et Yémen du Sud. En 1967, après le départ des Britanniques, des révolutionnaires soutenus par l'URSS s'emparèrent du pouvoir à Aden et proclamèrent la République démocratique populaire, le seul régime communiste du monde arabe, tandis qu'au Nord, des militaires manipulés par l'Égypte mirent fin à la tradition théocratique islamique et établirent une république. Pendant 23 ans, les deux Yémen se firent face. Dopé par des réserves pétrolières et gazières immenses, le Sud se modernisa et offrit ses bases navales aux Soviétiques. L'islam bâillonné, les femmes jouirent des mêmes droits que les hommes. Le Nord, sous la coupe des militaires de la capitale, Sanaa, restait un pays pauvre et archaïque, mais une guerre civile meurtrière ravageant le Sud-Yémen en 1986 et la Perestroïka stoppant les subvent
ions russes placèrent les Nordistes en position de force: les deux pays se réunifièrent en un seul État en 1990, aussitôt dominé par le général nordiste Ali Saleh. Les montagnards musulmans pratiquants qui descendirent à Aden furent horrifiés de voir des femmes têtes nues et confisquèrent les ressources souterraines sudistes à leur profit. Les anciens dirigeants communistes du Sud tentèrent de faire admettre la laïcité et l'égalité homme-femme au Parlement, mais, étouffés par Saleh, ils provoquèrent une sécession en 1994. A l'issue d'une blitzkreig sanglante, le Sud fut écrasé et le Nord règne aujourd'hui sans partage sur les ruines d'un pays vaincu et pillé.

Les déchirures yéménites ne sont pas la préoccupation première de Washington. Gardiens jaloux du robinet à pétrole que représente la région, les États-Unis redoutent surtout que les thèses islamistes ne se répandent aux masses de la péninsule arabique exploitées par des monarchies corrompues et vassales de la bannière étoilée. D'où l'urgence de neutralis
er ce foyer de gangrène terroriste. Les Américains, qui avaient approuvé l'écrasement de la révolte "rouge" en 1994, ont commencé à faire les yeux doux au maréchal Ali Saleh après le 11 septembre 2001. Dix ans auparavant, en pleine guerre du Golfe, la Maison-Blanche avait pourtant fait payer cher le soutien de Sanaa à l'Irak de Saddam Hussein en dévaluant la monnaie du pays et en poussant l'Arabie Saoudite à expulser 800 000 travailleurs yéménites... Le 2 janvier 2010, le général David Petraeus, commandant les forces américaines en Irak et en Afghanistan, a rendu une visite surprise au président Saleh pour lui sommer de faire place à la riposte américaine. Mais ce dernier tente de persuader ses interlocuteurs de le laisser régler seul le conflit avec les islamistes, ce qui épargnerait à l'opinion publique outre-Atlantique les colonnes de civils bombardées par les avions américains. Au passage, le despote yéménite souhaite faire reconnaître par le président Obama le lien imaginaire entre Al-Qaeda, la rébellion chiite et les derniers partisans de l'ancien régime sudiste... Ce à quoi notre héros consentira sans problème.

En Europe, Obama est au-dessus de tout soupçon. Les rêveurs urbains des grandes écoles françaises en extase devant le lauréat du jury d'Oslo, qui parle de " guerre juste ", mais aussi de mariage homosexuel, à la différence de son prédécesseur, davantage porté sur la Bible texane, lui pardonnent volontiers. Bush était un "va-t-en guerre" ? Obama, lui, "prend ses responsabilités". Le fait qu'il défende, comme son prédécesseur, les intérêts stratégiques des États-Un
is, et qu'il n'ait aucune idée sur les affaires militaires, laissant les généraux du Pentagone le guider, ne compte guère aux yeux de ses admirateurs.

Rappelons pour conclure que si les combattants islamistes ont pu s'implanter dans le Nord du Yémen à partir des années 1980, c'était avec la bénédiction des États-Unis et de l'Arabie saoudite, pour servir de barrage en cas de débarquement soviétique. Le régime de Sanaa utilisa d'ailleurs sans vergogne ces fa
natiques pour ravager le Sud en 1994, lesquels prirent soin de mitrailler les rares églises d'Aden que les communistes avaient épargnées. Il reste une poignée de chrétiens dans le port où Rimbaud séjourna, identifiés comme espions américains par la foule musulmane: le président Obama pense-t-il à eux ?

Jellyfish en campagne

Le Marquis connaît bien les anglais, pour les avoir combattu. Et il est en mesure de dire qu'il ne votera certainement pas conservateur.


Une tempête dans une tasse de thé se prépare de
l’autre côté de la Manche. Après plus de dix ans de règne, le Labour Party est en mesure de perdre les élections générales organisées avant juin 2010. Sauf changement inhabituel, le scrutin verra la victoire des conservateurs menés par David Cameron. Celui que les sondages désignent comme futur Premier ministre ne manque pas d’allure ; après avoir su marier son look bon chic bon genre de ses études d’Oxford avec la nonchalance qui sied à un habitant du quartier bobo londonien de Notting Hill, David Cameron ambitionne d’incarner tout à la fois le conservatisme et la modernité.

Le conservatisme sauce Cameron est, comme le sarkozysme, un produit de ce magma idéologique formé par la globalisation : une sorte de droite au crâne vide issue des rangs traditionnels, qui faute de mieux se découvre une passion pour l’écologie, pratique néanmoins sans scrupules le capitalisme et flirte avec la
gauche libérale bon teint… le tout sous les applaudissements des bien-pensants. En 1997, les électeurs avaient eu droit au New Labour de Blair, aujourd’hui bienvenue au New Tory de Cameron, surnommé « Tory Blair » par la presse de Londres. Entouré d’une équipe de choc, jeune et branchée, il a réussit l’exploit d’attirer les classes populaires, lassées des mensonges de Tony Blair. Discours policé et politiquement correct au menu. « Le plus chic type d’Angleterre» titrait en avril 2009 la revue Vocable, destinée aux étudiants désireux d’apprendre la langue de Shakespeare. Sur le continent, à Sciences Po, les jeunes futurs diplomates, journalistes et PD-G admirent le savoir-faire politicien du chef des Tories. Voilà un homme selon notre cœur disent-ils. Pas étonnant, puisque David Cameron ne fait que suivre l’air du temps. A force de contorsions et de nuances, le talentueux leader conservateur a même fini par gommer le clivage droite – gauche. « Cameron descend d’un fils adultérin du roi Guillaume IV. Son épouse Samantha, quant à elle, descend d’une fille adultérine du roi Charles II : le couple Cameron a ainsi réuni Stuart et Hanovre, ce qui était plus difficile que de fusionner la droite et la gauche » ironise le journaliste Patrice de Plunkett. Car « Dave », sous l’influence de Mrs Cameron, est devenu une méduse ( jellyfish) transparente: il passe d’opinion en opinion. En 2007, Cameron avait promis dans les colonnes du tabloïd The Sun qu’il ferait tout pour organiser un référendum au Royaume-Uni sur le traité de Lisbonne, même s’il était ratifié entre-temps. Mais lorsque le texte très controversé est accepté par la totalité des pays membres de l’Union le leader tory fait marche arrière le 4 novembre 2009 et capitule sur tout. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont apprécié. Les membres du parti, beaucoup moins. Pas dupe, le Daily Telegraph prévenait ses lecteurs en juillet dernier : « David Cameron est prêt pour gagner, mais n’attendez pas un gouvernement conservateur ».

Sous Cameron le caméléon, les tories ont en effet opéré une mue en profondeur. Le parti a instauré la Tory Conference Pride, le premier pôle militant gay au sein du mouvement qui a fait inscrire la promesse d’une extension du partenariat civil pour les personnes homosexuelles dans le programme de campagne de Cameron, et a exprimé ses excuses pour son soutien à la Section 28. La Section 28 était un amendement à l’acte de gouvernement au Royaume-Uni, mis en place par Margaret Thatcher en 1988 et abrogé en 2000, qui interdisait à l’autorité locale de promouvoir l’homosexualité « comme une prétendue relation familiale ». En 2003, David Cameron, alors jeune député conservateur de Witney, défendait encore la Section 28… Aujourd’hui, « Dave » manifeste en tête de cortège de la Gay Pride de Londres avec son épouse. La puritaine Angleterre qui persécuta jadis pour homosexualité Oscar Wilde mais aussi Alan Turing, le génial décrypteur du code Enigma pendant la Seconde guerre mondiale, fait à présent la chasse aux individus qui n’approuvent pas les partenariats civils. En 2008, le Criminal Justice and Immigration Act, qui visait à restreindre la liberté d’expression au nom de la lutte contre l’homophobie, fut amendé de justesse par Lord Waddington, cousin de Sa Majesté, au soulagement de nombreux comiques menacés de lourdes peines. Outre le pôle gay, le pôle juif, le pôle hindou et le pôle sikh, les Tories se sont aussi dotés d’un pôle musulman, le Conservative Muslim Forum, lequel s’est empressé d’émettre des propositions qui – étrangement – ne figurent pas dans le programme du parti : entre autres, l'apprentissage aux écoliers de « l’apport massif de l’Islam dans le développement de la culture occidentale » et l'instauration de la Charia dans certaines régions de Grande-Bretagne. Cette mélasse à l’orange idéologique que le candidat Cameron étale sur ses tartines au breakfast a fini par lui coûter cher. D’après les derniers sondages, les Tories ne pourraient n’avoir qu’une majorité relative au Parlement, ce qui les obligeraient à former une coalition. Avec qui ? Au vu du relativisme des idées de David Cameron, une alliance avec les Liberals Democrats, le parti centriste-opportuniste de l’échiquier, serait la plus naturelle. Mais sur le web, les blogs conservateurs rejettent avec force une cause commune avec les « Lib-dem ». L’un d’eux préconise une alliance de Cameron avec les partis unionistes d’Irlande du nord, en vue de former une coalition traditionnaliste et anti-Europe, dans la lignée du conservatisme à la Thatcher. Ce blog s’intitule Cranmer, du nom de l’archevêque de Canterbury qui bénit la Réforme anglicane d'Henry VIII. La référence n’est pas innocente.

Car de son côté, et encore en fonctions pour quelque temps, le Premier ministre Gordon Brown a lui aussi fait une promesse de campagne. Et elle est de taille : si le Labour gagne les élections, il abolira la loi de 1688 qui interdit à un catholique de devenir roi d’Angleterre. C’est vrai que maintenir une telle juridiction dans la mesure où le nombre de pratiquants catholiques est devenu plus nombreux que celui d’anglicans et où l’évêque de Fulham, the Right Reverend John Broadhurst, a lui-même annon en octobre 2009 sa conversion au catholicisme (« l’expérience anglicane est terminée » dit-il) avait quelque chose d’absurde. Il paraît même qu’être catholique est le dernier chic de la City, dans le pays le plus hype du monde. Quoique fils d’un pasteur de Glasgow, Gordon Brown a pris acte des changements et a eu l’audace de bouleverser les traditions établies. Le symbole est fort. Dans un pays où tant de martyrs furent pendus, dépecés et brûlés à Tyburn. Toutes mes félicitations au Premier ministre. Well done, Mr Brown !

Qu’en pense son fringant rival ? Interrogé dimanche 15 novembre 2009 lors de l’émission de la BBC Songs of Praise, David Cameron, peut-être désireux de donner des gages à son parti fé
brile, renouait plus que jamais avec l’image de l’homme d’Etat britannique protestant : « Je suis chrétien (ce qui veut dire anglican chez les Grands-bretons), je prie, je vais à l’église ». Pour le coup, il est bien conservateur.

Burqa, mosquées et minarets

Il nous faut revenir sur un évènement qui a marqué la fin de cette année 2009: ce coup de tonnerre dans le ciel serein du début de l'hiver, les Suisses ratifiant le 29 novembre un référendum qui interdit la construction de nouveaux minarets sur le territoire de la Confédération helvétique. Le « oui » l’emporte à 57,5 %, avec un taux de participation exceptionnel pour la Suisse de 53 % des électeurs inscrits. Ce résultat est une surprise considérable alors que tous les sondages prédisaient une victoire du « non »… Le gouvernement fédéral, qui était sorti de sa séculaire neutralité pour appeler à rejeter ce texte, a reconnu sa défaite : « La construction de minarets est désormais interdite en Suisse ». La Suisse compte 400 000 musulmans, soit 5 % de la population, environ 200 mosquées et… 5 minarets, dont un construit en 1865 par le chocolatier de Neuchâtel Philippe Suchard. A l’origine de cette querelle de clochers, une initiative populaire forte de plus de 115 000 signatures, déposée en juillet 2008 par des représentants de la droite populiste. Motif : la menace islamiste qui « met en péril la paix religieuse en Suisse». A force d’affiches éloquentes, les défenseurs de l’initiative sont parvenus à convaincre, en se défendant de priver les musulmans de lieux de culte, et en insistant sur le « symbole politico-religieux » que représente le minaret. D’autres sont allés plus loin : le minaret en terre européenne n’est pas l’équivalent d’un clocher d’église. Parmi les élites françaises "éclairées", c’est la stupéfaction. La démocratie semi-directe est devenue une abomination, la vox populi fait peur. Le quotidien Libération croit détenir la solution : supprimer l’usage du référendum, outil de tous les extrémismes. Le peuple n’est pas d’accord ? Il faut dissoudre le peuple ! Ce même journal est d’ailleurs rapidement obligé d’arrêter les discussions sur son site, devant l’avalanche de félicitations des internautes en faveur du vote suisse ; même son de cloche sur celui de l’hebdomadaire Le Point. Pour le député vert européen Daniel Cohn-Bendit, la messe est dite : « les Suisses doivent revoter » dit-il le 2 décembre dans le quotidien de Genève Le Temps. Le héros de Mai 68 avait déjà expliqué sa conception de la souveraineté populaire lors du Traité de Lisbonne, en traitant les Irlandais qui avaient voté « non » de « débiles mentaux ». Avant, le peuple ne votait pas. Aujourd’hui, il doit voter selon des normes édictées pour lui, sinon, il se trompe.

Ce référendum qui sonne le glas des minarets est parti de la tranquille petit ville de Wangen: en 2007, le centre culturel turc local décide d'en construire un, mais les habitants, soutenu par la municipalité et le pasteur, en appellent au tribunal administratif du canton de Soleure. Qu'importe si les Turcs, qui représentent la majorité des musulmans suisses avec les Albanais, sont davantage portés sur le vin d'Anatolie que sur le Coran, la peur d'entendre le muezzin cinq fois par jour est plus forte. C’est grâce à cette controverse que l’Union démocratique du centre va agir. Premier parti politique suisse depuis 1999, dirigé jusqu'en 2008 par un énergique milliardaire de Zurich, Christoph Blocher, l’UDC a fait son succès sur la défense de l’Alleingang, la neutralité perpétuelle d’une Suisse villageoise, en jouant largement sur la crainte de perdre les particularismes du pays. Avec l’épiphénomène des minarets, le parti s’appuie sur l’actualité européenne et internationale pour dénoncer une islamisation rampante du pays. Alliée pour l’occasion avec l’Union démocratique fédérale, un petit parti protestant, l’UDC poursuit sa radicalisation alors que son audience dans les instances de la Confédération est en perte de vitesse depuis l’éviction du Conseil fédéral de Christoph Blocher en 2007. L’objectif de ces deux partis : revenir sur le devant de la scène, animer le débat public sur la pratique de la religion musulmane en Suisse, et mobiliser l’électorat conservateur grâce à un appel direct au peuple, matérialisé par une initiative populaire demandant l’interdiction de la construction de minarets et son inscription dans la Constitution. En Suisse, la modification partielle de la loi fondamentale nécessite la collecte de 100 000 signatures. Ce procédé unique est le reflet du « chemin particulier » suivie par la démocratie helvétique. C’est pourtant ici que se situe la principale faiblesse de la démocratie suisse : le Parlement est juge et partie des initiatives. Quant une proposition est déposée à Berne par des groupes d’intérêts, l’Assemblée fédérale doit se prononcer sur sa validité, ce qu’elle fait grâce au vote de ces mêmes groupes d’intérêts et aux alliances qu’ils auront suscité. Le Conseil fédéral se cantonne à l’application de la loi issue des Chambres ou des référendums.

La victoire de l'UDC introduit plusieurs éléments inédits dans le paysage politique suisse. Dans un pays habitué au consensus parlementaire, le jeu de personnification des tribuns de l'UDC est toute nouvelle. Hier, Blocher orchestrait les campagnes de son parti autour de sa personne, aujourd'hui, c'est la valaisien francophone Oskar Freysinger qui tient la vedette. A ce rythme, on se demande comment va évoluer ce qu'on appelle aujourd'hui le populisme alpin. Quoi qu'il en soit, le succès du parti tient autant de la stratégie de ces dirigeants que de la tradition suisse de conservation et de défense des modes de vie. Solide fils de pasteur, Blocher n’est pas fâché de voir le christianisme de Calvin conserver sa visibilité par rapport à l’islam, bien que la Constitution suisse commence par un préambule dédié au « Tout-Puissant » et à la « Création », ce qui permet en théorie à n’importe qui, qu’il soit témoin de Jéhovah, bouddhiste, sikh ou mormon, de se reconnaître dans la loi fondamentale. Après tout, la Suisse protestante a bien interdit au XIXème siècle aux catholiques d’ériger des clochers… Les lois qui interdisaient les Jésuites et la construction de nouveaux couvents n’ont été abrogées qu’en 1973. Le passé historique pèse encore lourd sur la Suisse. Les cathédrales protestantes sinistrement vides de Genève et Zurich sont des prises de guerre qui datent de la Réforme.

Les vallées alpines ont donc échappées à l’invasion musulmane annoncée. Pourtant, bien malin l’helvète qui trouvera une djellaba dans le canton d’Uri. De fait, le vote suisse n’a fait qu’exprimer une tendance qui dépasse les frontières du pays. Avec ses montagnes majestueuses et ses chalets hauts perchés, la paisible Confédération helvétique qui n’aspire qu’à rester neutre se trouve plongée dans une querelle qui touche toute l’Europe. « On ne saurait se tromper là-dessus. Il y a actuellement, en Europe, une vague de fond hostile à l’emprise islamique... C’est la Turquie des minarets qui est indésirable et fait planer son ombre sur le continent » explique Gérard Leclerc, journaliste de France catholique.

De fait, la patrie de Voltaire n’a pas de leçons à donner à celle de Rousseau. La France aux 6 millions de musulmans traverse une grave crise d’identité. Le drapeau français ne fait plus rêver personne, et le matérialisme mercantile de la société détruit les repères communs, ce qui explique le repli des musulmans vers l’intégrisme ; les imams devenant les avocats d’une communauté particulière. Abdelwahab Meddeb, professeur de littérature comparée à Paris-X-Nanterre, l’explique assez bien : « Ce retour vers la pratique religieuse est le reflet d'une panique sur la question de l'identité, de l'origine. On retrouve le même phénomène chez les juifs. Chez les Français d'origine catholique, cela peut prendre la forme d'un intégrisme laïciste. » Contrairement à la chouchoute du politiquement correct Caroline Fourest, Meddeb ne tente pas de faire croire à l’existence d’un intégrisme catholique aussi puissant que les intégrismes musulman et juif. En effet, la panique identitaire chez les Français déchristianisés se traduit parfois par une agressivité anti-religieuse. Parce qu’elle se sent menacée, la laïcité française devient fanatique : César tue Dieu et se substitue à lui. Caroline Fourest déteste le fait religieux en lui-même, assimilé à l’oppression des consciences… Des « atheists bigots », comme dit la presse de Londres. Du coup, les formes les plus visibles de l’islam, comme la burqa, sont dans le collimateur. Le député-maire communiste de Vénissieux, dont la majorité des administrés sont aujourd’hui musulmans, a réuni cet été avec fracas une commission parlementaire, dont l’objectif est d’interdire la burqa. Les reportages ont alors fleuri au sujet de ces femmes qui vivent comme au Pakistan. Surprise : les plus acharnées d’entre-elles sont des "gauloises" de naissance catholique qui, devenues athées, se sont converties. Et elles n’entendent rien au discours des députés qui souhaitent les « délivrer » de leur prison vestimentaire. Mais au nom de quoi ? Ces législateurs invoquent la dignité de la femme. La pornographie bafoue tout autant la dignité de la femme, et elle n’est pas interdite.

Pendant ce temps, à Marseille, ville qui compte 300 000 musulmans sur 800 000 habitants, le maire de droite Jean-Claude Gaudin a un projet grandiose : une mosquée de 8600m2, pouvant accueillir en pleins quartiers nord plus de 7500 personnes, avec un minaret de 25m de haut. Les plans, le terrain et l’inauguration (la fête de l’Aïd en 2011) sont fixés. Pas le financement des travaux. Qui va payer les 22 millions d’euros nécessaires ? Le contribuable ou l’Arabie saoudite ? « Une quinzaine de pays riches nous ont assuré de leur aide » se réjouit l'entrepreneur Nourredine Cheikh. Ceux qui protestèrent en premier contre la construction de la mosquée ne furent pas des partis d’extrême-droite, mais des universitaires spécialistes du monde arabe et de l’islam, qui envoyèrent en 2007 une lettre adressée directement au citoyen Gaudin. « Vous n’êtes pas sans savoir, écrivent-ils, que la religion musulmane n’est pas seulement un culte, mais aussi une doctrine sociale et politique, et qu’en lui donnant un lieu de culte, vous donnez aussi une place forte, une citadelle à cette doctrine sociale et politique, dont l’institutionnalisation ne peut être qu’un premier pas pour les visées hégémoniques qui lui sont inhérentes. » D’autres élus sont plus subtils : le président socialiste de la région Rhône-Alpes Jean-Jack Queyranne, qui caracole en tête des sondages en vue des élections de juin 2010, fait ainsi construire un vaste bâtiment sous couvert de « centre culturel islamique ».

De retour à Berne, les membres du comité d’initiative populaire exultent. Un des auteurs de cette initiative est Christian Waber, un petit homme moustachu protestant qui habite dans l’Emmental, au cœur de la Suisse. Président de l’Union démocratique fédérale, allié de circonstance de l’UDC, et membre de l’Armée du Salut, Herr Waber utilise sans complexe un vocabulaire militaire qui ferait tousser les bonnes âmes sensibles de l’autre côté des Alpes: « l'islam n'est pas seulement une religion, mais surtout une déclaration de guerre au monde chrétien». N’est-ce pas Recip Erdogan, le Premier ministre de cette Turquie candidate à l’entrée dans l’Union européenne, qui disait lui-même : « les minarets sont nos baïonnettes » ?